M. Jürg Streuli, Président de la Fondation suisse de déminage (FSD). Interview réalisée conjointement par le FSPI et la SDSA à l’occasion du débat du FSPI sur le déminage de l’Ukraine.
FSPI / SDSA : Pourriez-présenter en quelques mots la Fondation suisse de déminage (FSD) ?
La Fondation suisse de déminage (FSD) est une organisation humanitaire suisse qui a pour mission le déminage, dans toutes ses dimensions. Elle a été fondée en 1997 et est actuellement active dans 7 pays avec plus de 600 collaborateurs. Elle est financée par des gouvernements et des donateurs, projet par projet.
FSPI / SDSA : Comment la Confédération Suisse, à travers une organisation comme la vôtre, s’engage-t-elle dans le déminage de zones de guerre ? En quoi le renforcement de l’engagement de la Suisse dans le domaine du déminage humanitaire, annoncé par le Conseil Fédéral récemment, pourra-t-il assurer un meilleur impact de l’action de la FSD ?
Jusqu’à présent, le soutien de la Confédération était relativement petit. Le gros des subventions allait au Centre International de Déminage Humanitaire – GICHD. La Confédération nous soutenait avec un cofinancement de certains de nos projets. Depuis que le Conseiller fédéral Ignazio Cassis a déclaré à la fin du mois de septembre 2023 le déminage comme étant l’une des priorités de l’aide suisse à l’Ukraine, et que le Conseil fédéral a décidé d’allouer CHF 100 millions dans ce domaine, la contribution de la Confédération à la FSD a sensiblement augmenté.
FSPI / SDSA : Comment collaborez-vous avec d’autres organisations du déminage humanitaire telles que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou le Centre International de Déminage Humanitaire (GICHD) ?
Nous utilisons largement les recherches et les publications du Centre International de Déminage Humanitaire, mais sur le terrain, nos activités sont très différentes. Nous travaillons davantage avec les gouvernements locaux et les autorités en charge du déminage dans les lieux concernés.
FSPI / SDSA : Le déminage nécessite le concours de différents acteurs sur place. Est-ce que vous pouvez travailler avec des acteurs non étatiques et des groupes qui sont parfois hostiles à leur propre gouvernement ?
Nous ne travaillons en principe pas avec ce type d’acteurs. La règle lorsque nous montons un projet est que nous devons être accrédités auprès du gouvernement. Une ONG visible comme la nôtre ne peut rien faire sans l’accord des gouvernements des pays dans lesquels elle opère. Ce sont les autorités responsables pour le déminage des pays qui attribuent les zones où les organisations pourront déminer. Nous sommes en ce sens apolitique.
FSPI / SDSA : Quelle est la situation de la FSD en Ukraine ? Que prévoyez-vous de faire là-bas dans un avenir proche ? Dans quelles autres régions du monde la FSD est-elle actuellement active ?
Nous travaillons en Ukraine depuis 2014, dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Nous étions présents sur la ligne de front du côté ukrainien, et y avons travaillé sur toute la gamme du déminage, de l’éducation aux risques à la destruction des mines. Quand la Russie de Mr. Poutine a envahi l’Ukraine en février 2022, nous avons dû tout transporter vers le sud du pays et recommencer nos activités.
Concernant nos autres lieux d’opération, nous avons des projets en Afghanistan – qui fonctionnent actuellement au ralenti, mais aussi au Tadjikistan, aux Philippines, en République Centrafrique, en Irak et en Colombie. Nous montons également des projets dans le domaine de l’environnement, de l’assainissement, des dépôts de pesticides, des nettoyages du sol – des activités similaires à celui que nous faisons avec terrains minés.
FSPI / SDSA : Quelles conditions sont liées aux contributions des entreprises, des donateurs et fondations privées, et plus généralement du secteur privé dans le financement de la FSD ?
Nous proposons des projets et les donateurs ne précisent pas en général l’utilisation souhaitée des fonds. Dans le cas de l’Ukraine, des donateurs ont spécifiquement demandé que nous utilisions les fonds dans le domaine de l’agriculture.
FSPI / SDSA : Quels sont les grands défis que votre Fondation devra relever dans le futur ?
Nous suivons avec grande attention les élections aux États-Unis et espérons que malgré un éventuel changement de Président, le soutien du Département d’État de Washington restera au moins le même. Il s’agit de notre plus grand soutien depuis des années.
Un autre défi majeur concerne l’Ukraine. De nombreuses ONGs opérant en Ukraine expriment leur inquiétude quant à la prolongation du conflit, se demandant si, à long terme, une lassitude des donateurs pourrait se manifester. Dans ce cas, nous pourrions être confrontés à des difficultés également.