Roland Dominicé était au Forum suisse de politique internationale le jeudi 4 avril 2019 pour une conférence intitulée Le financement de projets durables dans les pays émergents, comme outil de diplomatie et de prévoyance pour les institutions suisses.
FSPI : Vos principaux investisseurs sont de grandes banques et des gestionnaires de fonds de pensions. Pour eux, les investissements que vous proposez sont avantageux, et ne relèvent pas de la philanthropie ou de l’œuvre de bienfaisance. Les produits de la finance durable assurent un revenu tout aussi intéressant que des produits plus traditionnels. Comment expliquez-vous alors que la finance durable n’attire pas plus de capitaux ? Les incertitudes et la peur du changement sont-ils donc si fort qu’ils refroidissent une majorité d’investisseurs ?
Roland Dominicé : Les barrières régulatoires sont importantes, surtout pour les caisses de pension. Mais les choses changent et évoluent dans le bon sens. Nous nous attendons à une croissance continue ces prochaines années.
FSPI : Les rendements financiers des produits de Symbiotics ont suivi une évolution positive constante au cours des quinze dernières années. Durant cette période, seuls cinq mois ont vu apparaître des rendements négatifs. Il apparaît, de plus, que vous n’avez quasiment pas été impacté par la crise financière de 2008. Comment expliquez-vous cette continuité et cette résilience ?
Roland Dominicé : Les investissements directs dans les marchés privés ne fluctuent pas avec la volatilité de la bourse. Par ailleurs, le peu de perte reflète le risque crédit très bon de ce type de banque et de clientèle finale dans des marchés de croissance solide.
FSPI : En plus d’être le CEO de Symbiotics, vous siégez au comité de Swiss Sustainable Finance, une ONG qui cherche à mieux positionner la Suisse sur le marché global de la finance durable. Vous évoquez entre autres l’objectif de « relier les deux rives de Genève », c’est-à-dire d’associer les organisations financières et bancaires aux acteurs du développements au sein de la Genève internationale. Quels sont les principaux défis d’une telle coopération et comment y parvenir ?
Roland Dominicé : Il y a un besoin de faire-savoir important de notre savoir-faire genevois. Plusieurs organismes s’y attèlent et nous avons toutes les cartes en main pour faire fleurir ce secteur unique au bout du lac.
FSPI : Selon vos propres chiffres, vous investissez actuellement dans 425 institutions dans 83 pays ; un nombre important de partenaires ! Grâce à l’impact measurement, vous choisissez les projets ayant le maximum d’impact social, par exemple, en termes de création d’emplois, en suivant les objectifs de développement durable de l’ONU comme fil conducteur. Comment calculez-vous ce rating bien particulier dans le monde de la finance ? Comment sélectionnez-vous les partenaires en fonction de cette mesure ? Et finalement, assurez-vous un contrôle et un suivi de vos projets ?
Roland Dominicé : Notre spécialité est l’évaluation des projets ciblés. Nous effectuons notamment un rating social de chaque investissement et offrons un suivi continue de leur portée et impact. Dans certains cas nous effectuons aussi des mesures d’impact ex-post par des agences tierces.
FSPI : Vous avez évoqué dans votre conférence au FSPI, que travailler avec Symbiotics permettrait à la Direction du Développement et de la Coopération (DDC), organe fédéral de développement international, de mettre en place un fil rouge stratégique. Dans quelle mesure est-ce que Symbiotics pourrait dans un futur proche s’associer à un gouvernement, ou une banque de développement, pour assurer un programme cohérent et visionnaire à l’échelle d’un pays ou d’une région ?
Roland Dominicé : Nous travaillons déjà avec la DDC, ou le SECO, et avec une douzaine d’autres agences et banques de développement européennes. Ce sont elles qui ouvrent le chemin sur ce type d’investissement. Nous encourageons la Confédération, notamment à travers la FINMA et la BNS, à offrir davantage d’incitations et de politique à cet égard.